La salle de classe

À leur arrivée à la cabane, les religieuses, en compagnie de leur aide laïque, Marie Mainville,  furent accueillies par des sols recouverts de débris, une chaise cassée et des carreaux de fenêtres fêlés. À propos de leur nouvelle résidence, sœur Marie-Angèle écrivit:

«Une grosse pierre faisait office de seuil. Monseigneur y grimpa et, après avoir ouvert la porte, dit: “Mes sœurs, entrez en possession de votre nouveau couvent. ” Comme la pierre était assez haute, un monsieur aida les sœurs à monter… Le sol est en bon état mais il n’ y a pas de plafond… à l’intérieur, les poutres carrées sont complètement dénudées.»

Leur premier souper leur fut offert par leurs voisins, Cecilia et le Dr Helmcken. Deux jours plus tard, les sœurs ouvrirent les portes de l’école. Les premières élèves se servaient de planches posées en travers de caisses en guise de sièges, apprenaient leurs leçons sur un tableau portable et utilisaient des ardoises ainsi que les livres de lecture disponibles.

Le 1er novembre 1858, sœur Marie-Angèle écrivit:

«Jusqu’ici, nous mettons nos matelas sur le sol pendant la nuit et les empilons dans un coin pendant la journée. Nous faisons la classe d’un côté de la cheminée pendant que la préparation des repas,  etc. se passent de l’autre côté, et les coups de marteau à gauche [ceci fait allusion à la construction de l’ajout]. Nos élèves sont tout à fait satisfaites et nous aussi.»

Complété en novembre 1858, le nouvel ajout comprenait une cuisine ainsi qu’une chapelle et améliora considérablement les conditions de vie des religieuses. Il fut construit par le frère Joseph Michaud; monseigneur Demers aida à poser le papier peint. En décembre 1858, le mobilier branlant d’origine avait été remplacé par sept chaises, un garde-manger, un divan de crin reçu en don, et trois poêles dont l’un servait à faire la cuisine.

Les quatre premières religieuses arrivées sur l’île étaient en majorité des francophones; seule sœur Marie-de-la-Conception parlait bien l’anglais. Ce fait ne les troubla pas lorsqu’elles quittèrent le Québec car elles s’attendaient à enseigner aux enfants autochtones ainsi qu’aux enfants francophones des traiteurs de fourrures. Au lieu de cela, elles trouvèrent une communauté anglophone florissante qui croissait de façon explosive alors que des marchands et des chercheurs d’or s’y ruaient.

Après leur arrivée à Victoria, Sœur Marie-Angèle écrivit:

«Notre plus grande surprise… fut de voir des milliers de tentes – on en comptait trente mille [le nombre était probablement plus proche de 5000]. À San Francisco, nous avions entendu parler de la découverte d’or dans ces contrées, mais nous ne nous attendions pas à cette Cité de tentes.»

Il était essentiel de trouver des enseignantes anglophones et en 1859, deux nouvelles religieuses, sœur Marie-de-la-Providence et sœur Marie-du-Bon-Secours, arrivèrent à leur tour. La population croissante de l’école nécessitait plus d’espace et en 1860, de nouveaux locaux furent construits dans la rue View, plus près du centre-ville. De même, en 1860, une nouvelle école ouvrit ses portes. Elle était connue sous le nom de «couvent de briques» car ce fut l’un des premiers bâtiments en briques de Victoria; elle tenait lieu d’école, de pensionnat et d’orphelinat.